extrait du chapitre 14 : comprendre la hausse du populisme

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La démocratie porte en elle-même des contradictions, en affirmant que le pouvoir politique devrait être distribué indépendamment des conditions sociales, culturelles et économiques des citoyens. Quand une société semble ne plus garantir à tous ses membres un pouvoir politique identique, lorsqu’apparaît une tension entre l’égalité formelle et substantielle, le populisme trouve un terreau favorable. Il répudie alors la dyarchie de la démocratie d’opinion et de décision en cherchant à fusionner ce que les gens pensent avec ce qu’ils veulent. Il est à la démocratie représentative ce que la démagogie est à la démocratie directe et se développe dans les moments de détresse sociale et d’accroissement des inégalités.

Le populisme aujourd’hui

Le déclin actuel du bien-être socio-économique, combiné à l’érosion de la légitimité démocratique, relance des leaders et des mouvements populistes, aussi bien à gauche qu’à droite. Les politiciens sont régulièrement accusés d’avoir perdu le contact avec les préoccupations des gens ordinaires et de mener des politiques insipides uniquement dans le but d’être réélus. Le sentiment antiparti, à l’origine de la méfiance à l’égard des formations classiques, conduit à un cycle d’abstention électorale et d’apathie. Et ce, d’autant plus qu’augmente la détresse sociale dans l’indifférence apparente des gouvernements.

D’autres facteurs contribuent à renforcer la rhétorique populiste : un capitalisme financier globalisé, qui affaiblit le pouvoir de décision des États souverains ; un marché mondialisé de la population active, qui rétrécit la possibilité de trouver un compromis social-démocrate entre capital et travail. Des éléments dont le populisme se saisit pour lier politique de redistribution sociale et protectionniste.

De surcroît, le phénomène du terrorisme, associé à l’extrémisme islamique, favorise une démarche sécuritaire de l’État au détriment des droits civils. Le nationalisme devient alors une condition essentielle de l’homogénéité culturelle et religieuse qu’il faut préserver des ennemis extérieurs.

Le populisme, à la fois comme mouvement et comme puissance intraétatique, est un parasite de la démocratie représentative, soit parce qu’il s’y oppose, soit parce qu’il veut la conquérir. Mais alors qu’une certaine rhétorique populiste est détectable dans presque tous les partis, le populisme a des caractéristiques reconnaissables. Bien ancré dans l’idéologie du peuple et la langue de la démocratie, il tend à donner vie aux gouvernements qui corrompent les règles démocratiques vers une majoritarisme extrême, souvent discriminatoire à l’égard des minorités.

Les dangers du populisme

Le populisme prospère dans des sociétés où les couches sociales inférieures sont systématiquement exclues et sous-représentées lors des élections tout en se sentant menacées par le contexte économique sans pouvoir se défendre. En outre, le discours populiste met en avant que la nation est dépossédée du « pouvoir de gouverner » et de sa souveraineté, par les marchés mondiaux ou des gouvernances supranationales comme l’Union européenne.

Mais, quelle que soit sa spécificité sociale et les contraintes qu’il rencontre, dès que le populisme est en capacité de gouverner, il conteste explicitement le bon fonctionnement des « droits civils » et le régime de responsabilité horizontale. Il accorde trop d’autorité à l’exécutif et au chef, aux dépens du législatif et du judiciaire. Bien que les dirigeants populistes promettent d’inclure les exclus et de renverser une oligarchie élue, une fois au pouvoir, ils finissent par attaquer les institutions de la démocratie libérale. Ils se saisissent des moyens de gouvernement, contrôlent et même répriment les mouvements sociaux et des oppositions, limitent les libertés civiles et entravent le pluralisme des médias.

Pour toutes ces raisons, et bien qu’il soit le symptôme d’un malaise réel, le populisme ne peut guère être un remède dans les sociétés démocratiques.