À court terme, la capacité de production de revenus des particuliers et leur contribution à la croissance agrégée sont générées par le capital possédé et les possibilités de l’exploiter, compte tenu des conditions du marché. L’approche fondée sur les actifs (Attanasio et Székely, 1999, Bussolo et Lopez-Calva, 2014 et plus récemment Lopez-Calva et Rodriguez-Castellan, 2016) donne un cadre utile pour réfléchir aux différents canaux et leur interaction. Si l’on admet que l’inégalité et la croissance sont conjointement déterminées (Ferreira 2010 ; Chenery, 1974), la capacité des individus à accumuler des actifs à long terme et à les employer de manière productive est façonnée par des politiques publiques, à l’image de celles liées à la fourniture de biens et de services.
Le rôle des politiques publiques
Nous pouvons examiner le capital en fonction de trois éléments : le capital initial, le taux utilisé pour générer des revenus et le rendement — salaires ou taux d’intérêt. La fourniture par l’État de biens et de services — un système de santé publique, l’éducation ou la formation professionnelle… permet à chaque individu d’accroître ses actifs en termes de capital humain. De même, une stratégie rendant le crédit abordable et facilitant l’épargne peut contribuer à la redistribution ex ante, en stimulant la capacité à investir dans des outils de production, y compris en influençant la décision d’accumuler des biens.
D’autres politiques peuvent aussi améliorer la répartition des opportunités économiques et augmenter les facultés des ménages à exploiter leurs patrimoines : une réforme agraire, une meilleure ouverture aux marchés, des dispositifs favorisant l’emploi… Bref, tout ce qui peut aider à générer des revenus, en utilisant les compétences des individus pour s’engager sur le marché du travail, tirer profit de leurs machines ou de leurs terres.
Promouvoir un environnement d’investissement et d’innovation au sein d’un univers macroéconomique stable et croissant élargit l’accès aux opportunités et à la création d’emplois. Ainsi, le salaire minimum ou des mesures concernant l’emploi peuvent affecter les revenus du travail, en raison de leur incidence sur la quantité de main-d’œuvre fournie et demandée. De même, les rendements obtenus par les ménages grâce à leurs actifs, tels que les salaires, les taux d’intérêt, les loyers de la propriété ou les prix des terrains, peuvent être influencés par une stratégie monétaire qui incite ou pas les particuliers à exploiter leur capital a. Tous ces facteurs, ainsi que la politique budgétaire de redistribution des revenus abordée plus loin, contribuent à égaliser les potentialités entre les individus, indépendamment d’une situation initiale.
Les transferts de richesse
Deux autres éléments doivent être examinés pour leurs conséquences sur la réduction des inégalités. Des transferts, qui peuvent être privés b ou publics — c’est le cœur de notre sujet —, viennent compléter les revenus générés par les ménages par l’utilisation de leur capital initial. Les transferts publics comprennent les avantages fournis par le gouvernement pour compléter le revenu des particuliers, tels que les programmes de transferts monétaires conditionnels, les pensions ou l’assurance-chômage. Il faut aussi citer des secours en cas de catastrophe et des prestations destinées à atténuer les effets des chocs c. Ces systèmes de protection sociale peuvent contribuer à réduire l’inégalité des résultats en redistribuant les ressources vers les plus vulnérables.
Par ailleurs, la capacité de production des revenus des ménages est directement affectée par la fiscalité. Les dépenses sociales exigeant que des richesses soient collectées pour être partagées, la politique budgétaire influe sur les inégalités ex post. Les modalités de redistribution des régimes fiscaux diffèrent en fonction de la structure des impôts directs et indirects, des transferts et des subventions existants. La comparaison, grâce au coefficient de Gini, de la mesure moyenne des inégalités des individus avant et après l’effet des impôts et des transferts permet d’évaluer les conséquences de ces politiques.
Plusieurs études montrent que le potentiel de redistribution grâce à la politique budgétaire dans de nombreux pays émergents semble inexploité. Comme on l’a vu dans le Rapport sur le développement dans le monde (WDR) 2017 de la Banque mondiale, cette redistribution peut être comprise sous différents angles (Banque mondiale, 2017). Cela peut refléter les incitations des gouvernements à collecter et à répartir les ressources, là où une plus grande redistribution est associée à davantage de freins et contrepoids (Besley et Persson, 2011). Ces stratégies sont, aussi, une manifestation des préférences au sein d’une société donnée.
a Le cadre tient également compte de l’ensemble des prix du panier de biens et services consommés par les ménages, influencé par les politiques budgétaire et monétaire.
b Comme les envois de fonds nationaux et internationaux et les transferts en nature d’autres ménages.
c En ce qui concerne l’analyse de l’incidence fiscale, la fourniture de biens et de services publics, tels que l’éducation ou la santé, et d’autres subventions sont également considérées comme des transferts ou des dons en nature (voir la méthodologie CEQ, CEQ, 2016).